Une spécialité sans contre-partie pour les odontologistes

Dernière mise à jour : 2 octobre 2017

Pour s’inscrire à l’Ordre au titre de spécialistes en chirurgie orale les chirurgiens-dentistes sont contraints de s’engager à l’exclusivité, donc :

  • plus de soins (traitement des caries, etc.),
  • plus de prothèse (couronnes, bridges).

Le chirurgien-dentiste spécialiste en chirurgie orale doit abandonner une partie du cœur de métier de l’odontologie.

Le Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens Dentistes (CNOCD) veille à l’application stricte de cette règle et exige du chirurgien la signature d’un engagement à l’exercice exclusif de la discipline pour bénéficier de l’inscription au tableau .

Il semble qu’une dérogation soit en cours de négociations avec le CNOCD pour la prothèse sur implants sous réserve que cette prothèse soit réalisée sans demande d’honoraires de la part du praticien !

Comprenne qui pourra ...

Une bonne intention ?

A l’instar de leurs confrères orthodontistes les chirurgiens oraux doivent se restreindre à une pratique exclusive. Cela se comprend mais on comprend moins pourquoi la Spécialité en Médecine Bucco-Dentaire (la 3ème spécialité qualifiante de l’odontologie) échappe à cette règle. De même que le chirurgien oral médecin qui ne connaît pas cette restriction

Que donne l’application de cette règle ?
La pratique dentaire s’exerce majoritairement sous convention avec la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM), convention qui contraint à l’application de tarifs dits conventionnels fixés décrets.

Ces tarifs sont plutôt modiques : 209 € pour extraire quatre dents de sagesse incluses en une séance [1]. Etant donné les charges d’un cabinet libéral qui s’élèvent à peu près à 75% du chiffre d’affaire, il reste environ 50 € pour le chirurgien, sur lesquels il paie, bien entendu, l’impôt sur le revenu …

En définitive, compte tenu des investissements nécessaires au fonctionnement d’un cabinet libéral, des charges sociales et salariales (pas de chirurgie sans assistante ni secrétaire), le chirurgien oral est dans un piège :

  • la prothèse dentaire n’est plus autorisée, alors que c’est la seule discipline à bénéficier d’un droit permanent au dépassement d’honoraires dans le cadre de la convention avec la CPAM,
  • les actes conventionnés sont faiblement rémunérateurs,
  • l’ alternative réside dans les actes non pris en charge (NPC) à supposer qu’il y ait de la place pour tous et que la population, qui s’appauvrit de jour en jour, puisse encore se les offrir ...

Ni chirurgien, ni dentiste ...

L’engagement à l’exercice exclusif de la chirurgie orale est compréhensible. Mais sans la contrepartie, logique, qui consiste à substituer un droit au dépassement d’honoraires, celui dévolu à la prothèse, par un autre droit au dépassement sur les actes chirurgicaux, il y a peu de chances que les chirurgiens-dentistes optent pour l’inscription au tableau des spécialistes.

Hypothèse confirmée à l’issue des commissions de qualification : seule une minorité de praticiens s’inscrit au tableau de l’Ordre des chirurgiens oraux

En définitive pour le chirurgien-dentiste le choix de la spécialité est une sanction : les tarifs conventionnels et les contraintes imposées par le CNOCD débouchent immanquablement sur des revenus plus faibles que ceux qu’il est possible d’envisager dans un exercice "classique" de la chirurgie dentaire.

Comme le secteur 2 n’est pas ouvert aux chirurgiens dentistes on constate qu’il n’y a pas vraiment de statut institutionnel pour le chirurgien oral.

Ceci s’ajoute au refus dogmatique de la parité Odontologie/Médecine, l’Ordre des médecins préfère réactiver sa vieille stomatologie plutôt que se compromettre avec une profession qui n’est pas du même sang.

Les institutions dentaires ne font pas mieux, une dérogation à l’engagement de l’exclusivité aurait dû être négociée au moins jusqu à un accord rendant possible le dépassement d’honoraires sur la chirurgie.

Un vertueux cercle de silence

Manifestement les interrogations soulevées dans nos pages n’ont aucun écho chez les odontologistes.

Ainsi l’éditorial d’octobre 2014 de la revue "Médecine Buccale Chirurgie Buccale" qui confond, volontairement ou non, le nombre de qualifiés en commission et le nombre d’inscrits au tableau de l’Ordre, fait preuve d’un enthousiasme qui relève autant de la méconnaissance du terrain que d’une autosatisfaction universitaire bien hexagonale.

La Société Française de Chirurgie Orale dont le site internet se veut "le portail" de la chirurgie orale n’aborde aucun des sujets traités dans nos lignes. Même son de cloche sur les pages web du Syndicat National des Chirurgiens Oraux pourtant défenseur de la spécialité.

Nous aimerions aussi "Y croire" [2] mais la prudence est de mise lorsqu’il s’agit de négocier l’avenir une nouvelle fois avec un partenaire à la fiabilité équivoque (voir La compétence du chirurgien oral) et qui a désormais tout intérêt à entériner les dispositions qu’il s’apprête à prendre.


[1Ce tarif reste toutefois confortable eu égard au 176,19 Euros accordés aux chirurgiens viscéraux pour une appendicectomie, par abord de la fosse iliaque !

[2"J’y crois" - Editorial de la revue Médecine Buccale Chirurgie Buccale - octobre 2014

La belle affaire

100% des DESCO médecine passent en commission de qualification de stomatologie alors qu’une minorité de DESCO dentaire s’inscrit à l’ordre comme spécialiste.

A qui profite la spécialité en chirurgie orale ?

AMELI répond à nouveau !

Après plus de 12 mois d’interruption le site de l’assurance maladie a réouvert la consultation en ligne des tiers payants pour les praticiens spécialistes inscrits régulièrement à l’ordre.

Cette injustice est enfin réparée même si on peut encore regretter le manque de réactivité des services informatiques de la CPAM.

ameli.fr

L’IGAS saisie du scandale des centres dentaires à bas prix Dentexia

Au moins 2.000 patients ont été victimes des centres dentaires à bas prix Dentexia. Ils ont payé pour des soins qui n’ont jamais été réalisés. Le 29 avril, l’IGAS a été saisie du dossier et des numéros dédiés ont été mis en place pour les patients. Retour sur un scandale sanitaire et financier.

Voir l’article complet sur le site "Marianne"